Présenté à Cannes lors de la 63e Semaine de la Critique, Simón de la montaña a remporté le Grand Prix du jury. Ce film argentin tourné en trois semaines a marqué les esprits par son audace narrative et formelle. À la fois poétique, dérangeant et profondément humain, il s’impose comme une expérience cinématographique singulière. À l’écran, Lorenzo Ferro, acteur résolument anticonformiste, incarne un jeune homme qui décide de se faire passer pour une personne en situation de handicap mental.

Un film à la frontière du réel et de la fiction, porté par une interprétation aussi pudique qu’intense.
Une immersion dans un monde trop souvent invisible
Simón de la montaña suit un jeune homme, Simón, qui décide de se faire passer pour une personne en situation de handicap mental afin de s’intégrer à un groupe fréquentant un centre d’accueil. Mais loin de se moquer, le film cherche au contraire à interroger ce geste. Qu’est-ce qui pousse Simón à adopter cette posture ? Que dit-elle de notre société ? Ce choix narratif audacieux permet de poser un regard lucide sur les rapports humains, la marginalité et la quête d’acceptation.
En interview, le réalisateur insiste sur sa volonté de « faire coexister deux réalités » : celle de la fiction portée par un comédien professionnel, et celle du réel incarné par les participants du centre, tous non-professionnels. Ce choix de mise en scène donne au film une authenticité troublante, renforcée par une caméra presque invisible qui capte les interactions de façon quasi documentaire.
Un tournage unique et un acteur hors normes
Travailler avec des personnes en situation de handicap mental a représenté un défi, mais aussi une richesse .Là où le réalisateur évoque un tournage fluide, Lorenzo Ferro, lui, revient sur les difficultés rencontrées. Il parle avec sincérité du manque de réaction émotionnelle de certains partenaires de jeu, mais aussi de la bienveillance constante qui a marqué le tournage : « Ça m’a obligé à sortir de moi-même, à écouter vraiment », confie-t-il. Ce contraste de points de vue offre un regard nuancé sur les coulisses du film.
L’équipe a choisi de tourner en petit comité pour préserver une ambiance intime. Le décor principal — la montagne — n’est pas seulement un cadre, mais un personnage à part entière. Elle symbolise l’isolement, mais aussi l’élévation, l’étrangeté et la liberté.
Lorenzo Ferro, qu’on a découvert dans El Ángel et vu ensuite dans Narcos: Mexico, continue ici son parcours d’acteur anticonformiste. Il compose un personnage mutique et complexe, naviguant entre le mensonge et la quête d’acceptation. Sa performance se distingue par une économie de mots et une intensité constante.
L’avis de la rédaction
Simón de la montaña n’est pas un film de divertissement classique. Il déstabilise, questionne, met mal à l’aise parfois. Et c’est justement ce qui en fait une œuvre précieuse. Federico Luis ne donne pas de réponse, il interroge avec finesse nos perceptions et nos préjugés.C’est un film qui invite à ralentir, à observer, à ressentir. Il interroge sans bruit, mais avec force, la place que la société accorde à ceux qu’elle considère comme « différents ». Une œuvre à la fois douce et tranchante, profondément humaine.
Le film refuse les stéréotypes et mise sur l’authenticité. Sans chercher à faire pleurer ni à choquer, il ouvre une brèche dans notre regard. Loin d’un cinéma démonstratif, il opte pour l’épure, l’écoute et la lenteur.
C’est un projet courageux, exigeant mais accessible, qui mérite d’être vu et débattu.
Une œuvre rare qui questionne la norme et nous invite à repenser notre rapport à l’autre.