Javier Bardem : 10 Moments Clés Qui Ont Façonné Sa Carrière et Sa Vision du Cinéma

Javier Bardem est l’un des acteurs espagnols les plus connus à travers le monde. Dans sa filmographie, on retrouve aussi bien des films espagnols que des longs-métrages américains. Au fil des années, il a su s’imposer comme un comédien incontournable aussi bien auprès du cinéma populaire qu’intimiste. D’ailleurs, revenir sur sa carrière est une des activités préférées des cinéphiles.

Javier Bardem durant son séjour à Nantes
Javier Bardem durant son séjour à Nantes.

Entre Cannes et Nantes, nous avons eu la change d’assister non pas à une mais à deux masters class de l’acteur évoquant sans tabou sa vie professionnelle et même sa vie privée.

Javier Bardem est l’acteur que nous connaissons tous, et pour cause, il traverse les générations avec aisance. Les cinéphiles passionnés de cinéma espagnol l’ont d’abord découvert dans des films emblématiques tels que Mar Adentrod’Alejandro Amenábar ou Les Lundis au soleil de Fernando León de Aranoa. Quant aux amateurs de blockbusters américains, ils l’ont vu briller dans des rôles mémorables, comme le terrifiant Anton Chigurh dans No Country for Old Men des frères Coen ou encore en ennemi juré de James Bond dans Skyfall.

Au fil des années, Javier Bardem a construit une filmographie unique qui témoigne de son talent caméléon, capable d’endosser des rôles aussi variés qu’inattendus. Toujours prêt à relever de nouveaux défis, il continue de surprendre, n’hésitant jamais à sortir de sa zone de confort pour se réinventer, tout en restant fidèle à sa passion pour un cinéma exigeant et profondément humain

1/ Javier Bardem une vision du métier de comédien insufflée par sa mère Pilar Bardem :

Pour Javier Bardem, le cinéma est une véritable histoire de famille. Issu d’une dynastie d’artistes, il est le fils de l’actrice Pilar Bardem et le neveu du célèbre réalisateur Juan Antonio Bardem, figure majeure du cinéma espagnol. Dès son plus jeune âge, il baigne donc dans cet univers créatif, où le cinéma et le théâtre tiennent une place centrale. Cette immersion familiale l’a non seulement initié au métier, mais lui a également transmis une vision profonde et engagée du 7ᵉ art. Pour lui, chaque rôle est une manière d’honorer cet héritage, tout en y apportant sa propre sensibilité et sa soif de nouveaux défis. Lorsqu’il évoque cette dynastique il ne peut s’empêcher de faire un focus sur sa mère.

Pour moi c’est très important de rire. Ma mère ne prenait rien au sérieux et c’est primordial dans cette profession. Si un acteur se prend au sérieux, l’art disparaît et il ne reste que le protagoniste.  Les acteurs ont tendance à s’imposer devant le personnage par conséquent, il est difficile de voir de bons personnages face à des acteurs vaniteux. C’est le premier principe que l’acteur doit surmonter : son besoin d’être applaudit !

Javier Bardem lors de sa masterclass au festival du cinéma espagnol de Nantes.

Plus qu’une éducation cinéphile, ses souvenirs de cette période sont ceux d’une mère courage en avance sur son temps.

Ma mère a dû lutter en étant mère célibataire dans une Espagne franquiste et en étant actrice. Elle m’a tout appris sur la vie et sur l’instabilité de cette profession. Je l’ai vu pleurer devant un téléphone qui ne sonnait pas durant deux ans ou recevoir des prix pour son travail. C’était mon vaccin contre le bien et le mal du succès. J’ai été éduqué dans un tourbillon de positif et de négatif. Être acteur c’est un travail qui nous donne à manger, mais aussi quelque chose de sacré. C’est une forme de militantisme pour vivre et raconter ce qu’est la vie.

Javier Bardem lors de sa masterclass au festival du cinéma espagnol de Nantes.

2/ Un comédien qui commence sa carrière sur le petit-écran.

Ce n’est pas un métier que l’on fait mais que l’on vit et pour lequel on souffre. C’est le métier qui nous fait grandir. 

Javier Bardem lors de sa masterclass au festival du cinéma espagnol de Nantes.

Comment a t’il obtenu son premier rôle? Totalement par hasard alors qu’il n’a que 5 ans, il accompagne sa mère sur le tournage d’une série. Il s’avère alors que l’enfant qui devait jouer une scène est malade. Pilar propose alors son fils pour le remplacer. La séquence date de 1974 est reste désormais culte puisque c’est la première fois que l’on aperçoit le comédien en devenir faire ses premiers pas mais ce n’était pas évident comme il l’explique.

Dans cette scène, je jouais avec deux hommes qui avaient un pistolet et je devais rire, mais j’ai pleuré. Le réalisateur m’a qualifié d’acteur dramatique, mais je n’ai jamais été payé (des rires).

3/ Bigas Luna, le réalisateur qui le fait débuter au cinéma !

C’est sous la direction de Bigas Luna que Javier Bardem fait ses premiers pas marquants au cinéma. Le réalisateur espagnol lui offre son premier grand rôle dans Les Vies de Loulou (Las edades de Lulú, 1990), où Bardem apparaît dans un rôle secondaire. Mais c’est véritablement avec le film Jambon, Jambon (Jamón, Jamón, 1992) que la carrière de Bardem prend son envol. Dans ce film, il interprète Raúl, un jeune homme à la fois viril et vulnérable, face à Penélope Cruz. Ce rôle lui vaut une reconnaissance internationale et marque le début de sa longue et fructueuse carrière.

Je dois à Bigas une carrière et une femme car j’ai connu ma femme dans Jamon Jamon. Elle était mineure à l’époque et ça a été le coup de foudre. On a travaillé ensemble trois fois par la suite. Toutefois, ce film serait peut être interdit de nos jours. En effet, nous vivons dans cette époque d’hypersensibilité où tout le monde est susceptible d’être coupable ou blessé. Je me demande aujourd’hui quel film ferait Bigas Luna. C’est une réflexion sur l’art. On jugerait certains artistes de manière rétrograde.

5/ Javier Bardem, une carrière jouer les méchants :

Javier Bardem a marqué l’histoire du cinéma avec ses rôles de méchant charismatique, apportant à ces personnages une complexité et une profondeur uniques. Bien qu’il ait commencé sa carrière en jouant des personnages variés, ce sont ses rôles de vilains qui lui ont valu une reconnaissance internationale.

L’un de ses rôles les plus emblématiques est celui d’Anton Chigurh dans No Country for Old Men (2007), un tueur à gages implacable au regard glacial. Ce personnage effrayant lui a valu un Oscar du meilleur acteur dans un second rôle, consolidant son image d’antagoniste redoutable. Sa performance a été saluée pour sa capacité à incarner la menace pure, tout en restant énigmatique et captivant.

Je joue les méchants à cause de mon visage. J’aime la fissure qu’il y a dans la figure du méchant. C’est un défit de donner un sens pour qu’on éprouve de l’empathie sans juger mais pour comprendre.  Le plus facile est de dire je ne suis pas comme ça, mais quelqu’un qui a fait des atrocités est un homme comme les autres et il faut réfléchir sur ce qu’il se passe dans son esprit.

Javier Bardem lors de la masterclass

Javier Bardem semble apprécier ces rôles de méchants, qu’il qualifie de « libérateurs » dans certaines interviews, car ils lui permettent d’explorer des facettes plus sombres et complexes de l’âme humaine. Son talent pour interpréter ces personnages avec une telle intensité lui a permis de devenir une figure incontournable des antagonistes au cinéma.

6/ Entre Almodovar et Amenabar, Javier Bardem a t’il une préférence?

Javier Bardem a travaillé avec deux des plus grands réalisateurs espagnols : Pedro Almodóvar et Alejandro Amenábar. Cependant, il semble qu’il ait une relation de travail plus privilégiée avec Alejandro Amenábar.

Il a collaboré avec Almodóvar dans En chair et en os (1997), où il joue un rôle secondaire. Bien que ce film ait permis au comédien d’entrer dans l’univers d’Almodóvar, leur collaboration ne s’est pas poursuivie de manière aussi intense qu’avec Amenábar. Avec le réalisateur, il a noué une relation plus marquante avec Amenábar en jouant le rôle principal dans Mar Adentro (2004). Ce film, où il interprète Ramón Sampedro, un homme tétraplégique luttant pour son droit à l’euthanasie, est l’une des performances les plus acclamées de Bardem. Son interprétation lui a valu un Goya et une reconnaissance internationale.

« Pour jouer en fauteuil roulant j’ai été deux mois avec les joueur de handicap basket de Madrid. J’ai pu voir la société d’une autre hauteur. D’ailleurs, lorsque nous sortions, je restais en fauteuil. »

7/ Les débuts à Hollywood avec un anglais approximatif :

Lorsque Javier Bardem a débarqué à Hollywood, il a dû faire face à un défi de taille : son anglais était loin d’être parfait. Malgré son talent d’acteur reconnu en Espagne, la barrière linguistique a représenté un obstacle pour ses premiers rôles dans l’industrie cinématographique américaine.

Son grand premier pas à Hollywood s’est fait avec le film Avant la nuit (Before Night Falls, 2000), où il incarne le poète et romancier cubain Reinaldo Arenas. Ce rôle lui a valu une nomination aux Oscars, mais Bardem a souvent raconté qu’il avait dû apprendre ses répliques en phonétique, sans vraiment maîtriser la langue. 

« Après avant la nuit il y a du travail qui commence à arriver et c’est pour cette raison que j’ai continué de travailler là-bas. Dans le cas contraire, je n’aurais pas déménagé car c’est dure de recommencer aux Etats-Unis. Je ne parlais pas anglais et j’avais seulement 20 jours pour me préparer mais ce fut un tournage très drôle mais j’ai pu travailler vraiment bien. C’est le personnage le plu éloigné de moi. « 

Au fil des années, Javier Bardem a perfectionné son anglais, notamment grâce à ses rôles dans des films comme Collateral(2004) et No Country for Old Men (2007). Aujourd’hui, il est l’un des rares acteurs étrangers à avoir conquis Hollywood tout en conservant son accent et ses racines culturelles.

8/ Quelle relation entretien Javier Bardem avec Robert De Niro?

En 2019, lors du Festival de cinéma de San Sebastián, Javier Bardem a eu l’honneur de remettre le Prix Donostia à Robert De Niro en reconnaissance de l’ensemble de sa carrière exceptionnelle. Ce prix est l’une des distinctions les plus prestigieuses du festival, récompensant des personnalités ayant marqué le cinéma international.

Lors de la cérémonie, il a prononcé un discours ému, exprimant son admiration pour De Niro et soulignant l’impact de l’acteur sur sa propre carrière. Il a mentionné à plusieurs reprises que De Niro est un modèle pour lui, un acteur qu’il admire depuis ses débuts. Le moment était d’autant plus spécial que Bardem, étant un grand fan de De Niro, a pu lui rendre hommage publiquement. Toutefois, les coulisses de cette cérémonie furent plus nuancés.

J ‘ai voulu écrire moi-même le discours. Pour cela, j’ai vu tous ses films en 2 jours. J’ai écrit deux pages de présentation et le jour J, je me retrouve face à une salle de 2700 personnes. Je donne à Robert De Niro la traduction pour qu’il puisse lire ce que j’ai préparé. Il fait une tête étrange en lisant. Je me rend compte qu’il n’a pas apprécié mon discours, mais il est trop tard pour changer. Je dois donc lire à la salle un pitch en honneur de Robert De Niro tout en sachant qu’il n’a pas apprécié et je lui remets le prix. Il sort en me disant thank you. J’ai cru mourrir (des rires).

Durant la soirée, on mange avec lui. Ma mère Pilar l’adore et se jète sur lui en lui disant qu’il est beau, qu’elle l’aime…. Je ne savais plus où me mettre. Et voilà ma relation avec Robert. Néanmoins, je l’ai revu par la suite et il m’a tout pardonné surtout ma mère (des rires).

9/ Comment Javier Bardem fait-il pour quitter un personnage ?

Je les porte tous sur moi (des rires). Je me suis cassé le doigt durant le tournage de Extasis de Mariano Barroso. A l’époque, j’avais 26 ans et durant le premier jour de tournage, on devait me taper avec une barre de métal lors d’un braquage. On en avait prévu une fausse en caoutchouc et j’en ai voulu une en métal. On me frappe et du sang gicle. Toute le monde sur le plateau est en stupeur. C’était mon doigt et j’ai mis un mois à m’en remettre…

Pour Javier Bardem, quitter un personnage est un processus à la fois émotionnel et physique. Il a souvent expliqué qu’incarner des rôles complexes et intenses, comme celui d’Anton Chigurh dans No Country for Old Men ou d’Uxbal dans Biutiful, peut laisser des traces profondes. Il s’investit tellement dans la psychologie de ses personnages que cela peut être difficile à abandonner une fois le tournage terminé.

« Lorsque je devais jouer un vagabond, j’ai dormi dans la rue, tenté de voler dans une maison sur la plage et les chiens me poursuivait. Lorsque je suis arrivé sur le tournage, le réalisateur a dit : « il est trop sale il faut le maquiller ». J’ai appris qu’il faut tout laisser à la maison. Le véhicule de l’acteur est de mettre ses émotions au service du personnage. Il y a des choses qu’il faut réussir à maintenir comme un accent, mais je ne supporte pas l’acteur qui passe ses journées à réfléchir. »

10/ Focus sur sa vie privée :

Lors de la masterclass de Javier Bardem au Festival de Cannes, il a partagé des réflexions sur son parcours professionnel et personnel, évoquant notamment sa relation avec Penélope Cruz et leur collaboration dans Vicky Cristina Barcelona. Bardem a expliqué comment ce film, réalisé par Woody Allen, a marqué un moment clé non seulement dans sa carrière, mais aussi dans sa relation avec Cruz. Leur alchimie à l’écran, incarnant des amants passionnés et tourmentés, reflétait en partie la connexion qui se développait entre eux à cette époque.

On a fait quelques films ensemble et notamment Loving Pablo, mais Penélope avait le rôle de la victime et elle détestait cela. Bien sûr, elle aimait le travail et le processus derrière le personnage mais pas cette victimisation. On se connait bien et on devait s’excuser mutuellement. Un soir, elle m’a dit durant le tournage, dors sur le sofa, je ne veux plus te voir ni voir ta moustache (des rires).

Javier Bardem lors de la masterclass du Festival de Cannes.

Bardem a souligné que leur amour commun pour le cinéma les a aidés à grandir en tant qu’acteurs et partenaires. Il a aussi évoqué la manière dont leur collaboration sur ce film a renforcé leur respect mutuel pour le travail de l’autre, contribuant ainsi à la solidité de leur lien personnel​. Ils ont aussi joué ensemble dans Todos lo saben.

https://youtube.com/shorts/rpnPoIbyVsU?si=G8b3qhShxg-YTzkt

Vous pouvez suivre Javier Bardem via son compte Instagram. Il publie essentiellement des posts autour des causes qu’il défend.

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Cinéaste passionnée par l'audiovisuel latino.

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