Le Mipcom 2025 a vu soufflet dans ses allées une forme de renouveau avec l’arrivée des créateurs. Cette année, les organisateurs ont voulu s »intéresser à cette nouvelle dynamique et à la façon dont ces ovnis de la création s’intègre à l’économie des productions. Un marché inspirant qui a aussi été l’occasion de découvrir les fictions lees plus prometteuses de 2026. On revient pour vous sur la façon dont l’Espagne et l’Amérique latine vivent ces évolutions et vous allez voir qu’ils sont loin d’en être les spectateurs.
Le MIPCOM 2025 a mis en lumière les grands bouleversements du secteur : l’émergence d’une économie des créateurs, l’intégration stratégique des marques dans les contenus, et la montée en puissance d’une production plus responsable. Entre innovation et durabilité, retour sur les tendances qui façonnent le futur de l’audiovisuel avec une présence espagnole et latino-américinane plus influente que jamais.
1. L’économie des créateurs : une nouvelle ère de collaboration
L’économie des créateurs s’impose peu à peu dans les discussions professionnelles, même si beaucoup cherchent encore à en cerner les contours. Si au Canneslions on a pu se rendre compte qu’elle était désormais pleinement intégrée, au Mipcom, on cherche à comprendre comment co-exister voir collaborer. Ces nouveaux acteurs souvent issus du digital ne se contentent plus de créer du contenu : ils construisent de véritables marques personnelles capables de fédérer des communautés ciblées et engagées. Présent à distance lors du MIPCOM, Nil Ojeda Morales, créateur de contenu et CEO de Milfshakes (Webedia España), a parfaitement résumé ce changement de paradigme :
« Ce n’est plus simplement un passe-temps, c’est désormais un vrai métier que je prends très au sérieux. Le second déclic, ça a été de comprendre que je n’avais pas besoin de suivre toutes les tendances ni de chercher à être dans le courant dominant. Il suffisait d’être fidèle à moi-même et à ma curiosité et ça a tout changé pour moi. »
Nil Ojeda Morales
Certaines entreprises commencent d’ailleurs à structurer leurs modèles autour de cette nouvelle dynamique, à l’image de You First Originals, représentée par Javier Martínez, son Managing Director.
Ce dernier a présenté plusieurs exemples concrets de collaborations entre créateurs, marques et plateformes de streaming. Parmi elles, Alexia , une série documentaire disponible sur Prime Video, récemment nommée aux Emmy Awards 2025 illustre parfaitement cette convergence entre production audiovisuelle et culture numérique. Autre projet marquant : 5 Maratones en 5 dias 5 continentes, un documentaire retraçant le parcours d’un homme dont la vie a été sauvée par le sport, réalisé en partenariat avec Samsung. L’intégration de la marque, centrée sur le suivi des performances grâce à une montre connectée, se fait ici de manière fluide.
2. L’Espagne, moteur de l’innovation durable
Récompensée par un Sustainability Green Award, Secuoya Studios s’est distinguée pour son engagement en matière d’éco-production.Le studio, à l’origine de productions comme Zorro, Montecristo ou Shades (Matices), applique depuis 2022 un protocole interne baptisé Greenbook, développé en collaboration avec Mrs. Greenfilm.
Ce guide de 120 points détaille les bonnes pratiques à adopter sur les tournages, aujourd’hui appliquées à toutes leurs productions, y compris The Tribute (El Homenaje). Une reconnaissance symbolique qui confirme la volonté espagnole d’intégrer la durabilité au cœur de la création audiovisuelle.
Cette année, l’Espagne a également été mise à l’honneur à travers le spin-off de The Walking Dead: Daryl Dixon, tourné en grande partie sur son territoire. La série, qui marque une nouvelle étape dans l’univers post-apocalyptique de la franchise, a permis de souligner à quel point le pays s’impose désormais comme un lieu de tournage stratégique pour les grandes productions internationales. En récompensant The Walking Dead et son monde de zombies, le MIPCOM a aussi salué le savoir-faire technique et logistique des équipes espagnoles, capables d’accueillir des tournages d’envergure tout en offrant une grande diversité de décors.
3. The Wit Fresh TV : les tendances qui inspirent le marché
Moment très attendu du MIPCOM, la conférence The Wit Fresh TV a, cette année encore, mis en lumière les séries et formats les plus prometteurs du moment. L’un des points saillants : l’essor des formats verticaux et ultra-courts, les “real shorts”, conçus pour les plateformes sociales. Ces mini-fictions d’une minute à peine redéfinissent la narration et pourraient bien inspirer les chaînes dans les années à venir.
Côté fictions, plusieurs productions ibériques se sont distinguées :
- The Crossroad (Secuoya Studios / Ay Yapim)
Coproduction hispano-turque, The Crossroad a été distinguée pour son ambition internationale et sa capacité à mêler les codes narratifs des deux territoires. Diffusée sur Antena 3 et Atresplayer, ainsi que sur Disney+, la série se distingue par une réalisation soignée et une écriture centrée sur les dilemmes moraux contemporains.
- Las Hijas de la Criada (Atresmedia TV)
Adaptée du roman de Sonsoles Ónega, cette fresque historique portée par Verónica Sánchez, Carlota Baró et Alain Hernández plonge le spectateur dans la Galice du début du XXᵉ siècle. Entre Cuba et l’Espagne, la série explore les destins croisés de femmes qui osent défier les normes sociales. Un drame de haute facture qui confirme le savoir-faire d’Atresmedia en matière de séries premium.
- Estado de Fuga (Caracol Televisión, Colombie)
Portée par un récit haletant et une esthétique cinématographique, Estado de Fuga illustre le renouveau des thrillers latino-américains. La série s’intéresse à la fuite d’un couple pris dans un engrenage politique et médiatique, avec un rythme proche du cinéma d’action.
Parmi les titres les plus commentés, Pubertà a attiré une attention particulière .Créée et réalisée par Leticia Dolera, la série marque le retour très attendu de l’autrice, après le succès de Vida Perfecta, lauréate du prix de la meilleure série à Canneseries. Tournée intégralement en catalan, Pubertà s’inscrit dans une démarche identitaire forte : celle d’une fiction qui célèbre la diversité linguistique et culturelle de l’Espagne. À travers un ton à la fois drôle et intime ,Leticia Dolera aborde les tourments de l’adolescence, les premières fois et la construction de soi à une époque marquée par les réseaux sociaux. Une œuvre à la fois locale et universelle, emblématique du nouveau souffle de la création espagnole.
4. Pourquoi la présence de YouTube au MIPCOM 2025 est un signal fort?
La présence officielle de YouTube au MIPCOM cette année marque un véritable tournant pour le marché international des contenus. Longtemps perçue comme une simple plateforme de créateurs, YouTube s’impose désormais comme un acteur majeur de la distribution et de la valorisation des contenus audiovisuels.
Derrière cette évolution se cache une stratégie claire : réaffirmer sa place au sein de l’écosystème professionnel. Aujourd’hui, les chaînes de télévision, les producteurs et même les distributeurs utilisent YouTube comme une vitrine à part entière. Beaucoup y publient désormais des extraits, voire l’intégralité de leurs programmes, afin d’élargir leur audience, tester de nouveaux formats ou prolonger la durée de vie d’un contenu.
Mais l’enjeu va plus loin. En investissant les grands marchés comme le MIPCOM, YouTube redéfinit les rapports de force entre plateformes de streaming, diffuseurs traditionnels et créateurs indépendants. La plateforme devient un pont entre les différents mondes de la production : celui des influenceurs, de la télévision et du streaming. Pour les professionnels, cela ouvre des perspectives inédites monétisation plus directe, diffusion mondiale instantanée et analyse de données précises sur les audiences.
En d’autres termes, YouTube ne se contente plus d’être un espace d’expression. Sa présence à Cannes montre qu’il est désormais perçu comme un acteur stratégique du futur de la distribution audiovisuelle, capable d’unir le meilleur des deux mondes : la liberté des créateurs et la puissance des diffuseurs.
5. Une édition en transition : entre ouverture et tâtonnements
S’il fallait retenir une impression globale de cette édition du MIPCOM, ce serait celle d’un marché en pleine mutation, à la croisée de deux mondes : celui des producteurs traditionnels et celui des créateurs. Pour la première fois, les créateurs ont eu une place de choix dans les discussions, mais on sent que la réflexion reste encore en construction.
Il y a aujourd’hui une véritable prise de conscience de la part des diffuseurs et des producteurs : l’économie des créateurs n’est plus un phénomène marginal. Pendant longtemps, on a considéré qu’il s’agissait d’un univers à part, réservé aux réseaux sociaux. Or, ces nouvelles voix attirent des communautés engagées, souvent jeunes, que les médias classiques peinent à toucher. Les acteurs historiques réalisent qu’ils ont besoin de cette énergie, de cette proximité et de cette agilité pour se réinventer.
Mais entre la reconnaissance du potentiel et la mise en place de modèles concrets, il y a encore un fossé. Beaucoup d’initiatives avancent à tâtons, cherchant comment faire cohabiter deux logiques presque opposées : celle d’une télévision structurée, codifiée, et celle d’une création spontanée, faite de débrouille, de liberté et d’expérimentation. Le MIPCOM 2025 a montré une volonté d’ouverture, mais aussi un manque de cadre : on parle beaucoup de la « creator economy », sans toujours offrir de solutions tangibles pour l’intégrer durablement. C’est un sujet d’autant plus complexe qu’il soulève aussi des questions juridiques, économiques et culturelles. L’équilibre entre créativité et professionnalisation reste fragile, et tous les marchés ne progressent pas au même rythme.
Côté contenu, les tendances confirment la vitalité des productions latines : Caracol continue de capitaliser sur ses succès mondiaux, même si certaines séries, pourtant leaders sur Netflix, peinent toujours à trouver un diffuseur en France. Globo, de son côté, a marqué les esprits avec un stand d’une ampleur inédite, symbole d’une ambition internationale renforcée.
Enfin, parmi les coups de cœur de The Wit, Las Hijas de la Criada s’impose comme une œuvre à fort potentiel d’exportation : une fiction ancrée dans son identité locale mais portée par une émotion universelle un équilibre que maîtrise parfaitement Atresmedia, déjà à l’origine de séries comme Between Lands, chères à notre audience. À noter également qu’Atresmedia a pris cette année un stand indépendant, en dehors de la bannière Audiovisual from Spain, un choix qui traduit peut-être une nouvelle stratégie d’affirmation.
En somme, ce MIPCOM 2025 a été un marché de transition. Il confirme que l’industrie audiovisuelle mondiale avance, parfois avec hésitation, vers une ère où la frontière entre créateurs, producteurs et diffuseurs devient de plus en plus poreuse.
