« Numéro 1 sur Netflix durant plusieurs jours, le film Veuve Noire marque le retour d’Ivana Baquero sur le devant de la scène. Mais ce succès est-il vraiment mérité ? Nous vous proposons un dossier spécial sur ce long-métrage populaire, inspiré d’une véritable criminelle, qui nous a pourtant laissé un sentiment de perplexité.

Le monde de la fiction ne serait rien sans les true crimes. Ces histoires inspirées de faits réels sont devenues un passage obligé pour de nombreuses productions, et les créateurs espagnols ne sont pas en reste ! Ils excellent dans l’art de mettre en scène les affaires les plus sordides de leur pays. Veuve Noire s’inscrit parfaitement dans cette tradition, avec une nouveauté : cette fois, l’histoire est racontée sous la forme d’un long-métrage.
Veuve noire : où commence la fiction et où s’arrête la réalité?
« Veuve Noire est un long-métrage produit par Bambu Producciones et réalisé par Carlos Sedes, connu pour des séries comme Grandes Hôtels (De parfaites demoiselles) ou El Caso Asunta. Une équipe donc qui a une solide réputation et qui a décidé de reprendre un célèbre fait divers connu de nombreux espagnols : celui d’une femme manipulatrice qui aurait commis l’irréparable…
Synopsis : María Jesús Moreno Cantó, surnommée ‘Maje’, infirmière de profession, perd brutalement son mari, Antonio Navarro Cerdán, retrouvé poignardé dans le garage de son immeuble. Si tout le monde plaint la jeune veuve, la police est très vite persuadée d’une chose : elle est derrière le meurtre de son compagnon. Une enquête minutieuse démarre pour prouver sa culpabilité, et très vite, sa mise sous écoute révèle des échanges troublants avec son amant… Mais comment a-t-elle réussi à tout orchestrer ? Et pourquoi a-t-elle agi ainsi ?
Veuve Noire retrace un crime qui a marqué l’Espagne : l’assassinat d’un homme à Valence en 2017, orchestré par son épouse, María Jesús ‘Maje’, et exécuté par l’un de ses nombreux amants. Manipulation, passion morbide, trahison… Ce fait divers avait tout du polar digne de séries comme The Staircase ou Dirty John. »
Le casting : deux approches, deux visions du même crime
Le film Veuve Noire repose sur une distribution bien connue des amateurs de fiction espagnole. Mais ce qui est encore plus intéressant, c’est la façon dont les comédiennes principales ont abordé leur rôle – avec des visions radicalement différentes.
Ivana Baquero, qui incarne la fameuse « veuve noire », a confié être arrivée sur le tournage sans connaître les détails du fait divers. Elle n’a pas ressenti le besoin de se documenter, préférant faire confiance à la vision du réalisateur et du scénariste. Un choix délibéré pour s’imprégner d’un personnage de fiction, détaché de la réalité, et se laisser porter par l’interprétation proposée par l’équipe artistique. Cette démarche, plus intuitive qu’analytique, peut expliquer une certaine retenue dans son jeu — ce qui, selon moi, crée une distance avec le rôle pourtant chargé d’ambiguïtés.
À l’inverse, Carmen Machi, qui campe l’inspectrice chargée de l’enquête, a expliqué avoir suivi de près l’affaire au moment où elle a éclaté dans les médias. Elle a été profondément marquée par l’histoire, ce qui a nourri sa compréhension du drame. Elle confie également que jouer une policière l’a surprise, car ce rôle l’a surtout confrontée à une femme (la suspecte), plus qu’à une enquête classique. Son interprétation repose sur cette idée de face-à-face humain, presque intime, où l’uniforme s’efface derrière l’écoute et le jugement.
Ces deux démarches opposées – l’une instinctive, l’autre documentée – donnent au film une tonalité particulière. Mais elles renforcent aussi ce sentiment d’ambivalence : un casting impliqué, mais un récit qui peine à leur donner l’espace émotionnel nécessaire pour marquer durablement le spectateur.
Tristán Ulloa incarne Salvador Rodrigo, l’amant manipulé par Maje dans Veuve Noire. Acteur espagnol reconnu, il est notamment connu pour ses rôles dans Berlin (préquelle de La Casa de Papel) et L’Affaire Asunta. Son interprétation de Salva met en lumière la vulnérabilité et la soumission du personnage face à la femme fatale qu’il aime aveuglément. Ulloa apporte une intensité dramatique qui renforce la tension du film.
La critique de la rédaction :
Veuve Noire est un succès algorithmique, mais pas un choc émotionnel. En clair : le film cartonne parce qu’il coche toutes les cases de ce qui marche sur Netflix, mais il lui manque cruellement d’âme et de tension. C’est un thriller basé sur des faits réels, mettant en scène une femme manipulatrice au cœur du drame, le tout dans une esthétique soignée, très ‘true crime’. Dans ces conditions, j’étais personnellement persuadée de succomber à cette histoire, ayant particulièrement apprécié El Caso Asunta, une autre production Bambú dans la même veine. Pourtant, Veuve Noire me laisse un goût de… perplexe.
La narration, divisée en trois parties, s’applique à déconstruire l’histoire. Malheureusement, on a le sentiment de tourner en rond, revoyant la même histoire à trois reprises, même si c’est sous trois angles différents. Bien sûr, ce choix stratégique peut s’expliquer par le fait que le récit est connu de nombreux Espagnols, et le présenter de façon linéaire aurait peut-être eu moins d’intérêt, la fin étant déjà connue de tous. Cependant, pour moi, cette structure ne fonctionne pas et étire inutilement le récit, brisant le rythme
Côté casting, Ivana Baquero, bien que talentueuse, semble enfermée dans un rôle lisse, presque aseptisé, là où la vraie ‘Maje’ débordait de contradictions. Au final, on ne comprend pas véritablement le personnage, et paradoxalement, son comportement reste inexpliqué. Et surtout, l’émotion ne vient jamais. Ni pour la victime. Ni pour les coupables. On assiste à un drame… sans jamais le ressentir, comme si un écran invisible nous en séparait.
Si vous aimez les faits divers et les thrillers psychologiques ‘à la Netflix‘, alors oui, Veuve Noire se laisse regarder. C’est propre, efficace, et calibré pour plaire au plus grand nombre. Mais si vous cherchez un vrai choc narratif, une performance marquante ou une lecture profonde du crime passionnel, vous risquez fort de rester sur votre faim, comme ce fut notre cas.