Un fantôme dans la bataille : Où s’arrête la fiction dans le long-métrage espagnol?

Présenté en avant-première au Festival de San SebastiánUn fantôme dans la bataille (Un fantasma en la batalla) est désormais disponible sur Netflix, où il s’est rapidement hissé en tête du classement. Ce thriller historique signé Agustín Díaz Yanes, et produit notamment par J.A. Bayona, s’inspire de faits réels et aborde l’une des périodes les plus douloureuses de l’histoire récente de l’Espagne : la lutte contre l’ETA. Toutefois, où se situe la frontière entre fiction et réalité?

Un fantôme dans la bataille : Où s'arrête la fiction dans le long-métrage espagnol?
Un fantôme dans la bataille : Où s’arrête la fiction dans le long-métrage espagnol?

Du Festival de San Sebastián à Netflix, il n’y a qu’un pas. En effet, de nombreux longs-métrages présentées à San Sebastian arrivent ensuite sur la plateforme pour le plus grand plaisir des cinéphiles et un fantôme dans la bataille s’inscrit dans cette lignée. Cette œuvre sombre, tendue et minutieusement documentée, aurait aisément pu trouver sa place sur grand écran tant elle en possède la densité et la rigueur.

Un fantôme dans la bataille : le film sulfureux qui ravive les plaies de l’Espagne :

Le film s’inspire de l’opération d’infiltration la plus importante jamais menée contre l’ETA, un épisode qui a marqué un tournant dans la lutte de l’État espagnol contre le terrorisme.

Se déroulant entre les années 1990 et 2000Un fantôme dans la bataille suit Amaia (Susana Abaitua), une jeune agente de la Garde civile espagnole prête à tout pour démanteler le réseau de l’organisation indépendantiste basque. Pendant plus de dix ans, elle vit sous couverture, dissimulant sa véritable identité pour localiser les caches d’armes; les fameux zulos dissimulées dans le sud de la France.

Le résultat est une histoire où tension psychologique et silence pesant remplacent les explosions et les fusillades. Un fantôme dans la bataille choisit la retenue et l’introspection pour mieux montrer le prix humain d’une guerre invisible.

Un casting solide porté par Susana Abaitua :

Le film s’appuie sur une distribution aussi juste que cohérente avec son sujet. Susana Abaitua, que le grand public a découverte dans Patria ou Loco por ella, porte littéralement le film sur ses épaules dans le rôle d’Amaya, une agente infiltrée dont la tension ne retombe jamais. Elle est notamment revenue lors de la promotion sur ce rôle qu’elle considère comme l’un des plus difficiles de sa carrière.

« Amaia est l’un des personnages les plus complexes que j’aie eu à interpréter dans ma carrière. J’ai travaillé longtemps avec des psychologues pour trouver la tonalité juste, celle qui devait ancrer le personnage. Je voulais la comprendre, l’humaniser, la rendre tangible, et cela n’a été possible que grâce aux échanges que j’ai eus avec des personnes ayant réellement vécu cette époque.»

Susana Abaitua dans une interview pour Netflix

On assiste à la transformation de son personnage qui au fil du temps se rend compte que cette mission sera plus longue qu’elle ne le croyait au départ. Elle va aussi de désillusion en désillusion et comprend peu à peu qu’elle a accepté une mission qui la mettra tout le temps en urgence intérieure.

« C’est un rôle que j’ai aussi construit physiquement, car tout au long du film, Amaia évolue. Au début, elle a une lumière dans le regard qu’elle finit par perdre. Elle commence comme une jeune femme presque naïve et devient une adulte marquée par ce qu’elle traverse. Il a fallu que je trouve son chemin parmi tous ceux qui menaient à elle. C’est une femme qui joue sa vie à chaque instant, condamnée à ne jamais connaître la tranquillité d’une existence ordinaire, avec un mari et des enfants. »

Susana Abaitua dans une interview pour Netflix

À ses côtés, Andrés Gertrúdix (dans le rôle du Teniente Coronel Castro) incarne avec sobriété l’autorité d’un supérieur militaire conscient du prix humain de cette mission. Le reste du casting est composé, pour une large part, d’acteurs originaires du Pays basque, un choix fort qui renforce l’authenticité du récit. Iraia Elias (AneDantza) et Ariadna Gil, qui prête ses traits à la dirigeante de l’ETA Soledad Ipaguirre, apportent une dimension presque documentaire à l’ensemble.

Enfin, Raúl Arévalo, seul acteur véritablement connu au niveau national, complète ce casting ancré dans son territoire, confirmant que Un fantôme dans la bataille est avant tout un film pensé depuis l’intérieur celui d’une région marquée par le silence et la peur.

La critique de la rédaction :

Dès les premières minutes, Un fantôme dans la bataille se distingue par son ton quasi documentaire, mêlant archives réelles et reconstitution. Le spectateur est plongé dans une tension constante, à l’image d’Amaya, cette jeune garde civile infiltrée pendant plus de dix ans au sein de l’ETA. La réalisation, sobre et précise, parvient à traduire l’usure mentale et la solitude d’un personnage qui vit dans la peur d’être démasquée à chaque instant.

Ce réalisme s’accompagne d’une approche psychologique qui n’est pas sans rappeler celle de la série The Americans, où l’on suivait des agents infiltrés russes aux États-Unis. Comme dans la série, le film débute sur un terrain d’espionnage classique avant de glisser vers une réflexion plus intime sur la perte d’identité, la loyauté et le prix du devoir.

Une scène en particulier résume cette tension : lorsque son supérieur lui annonce qu’il lui reste “deux ou trois ans maximum” de mission, Amaya comprend que sa vie entière lui échappe. À ce moment précis, Un fantôme dans la bataille bascule le film cesse d’être un simple thriller pour devenir le portrait d’une femme consumée par son engagement.

On comprend alors les mots de Susana Abaitua, qui confiait avoir dû “travailler longtemps avec des psychologues” pour trouver le ton juste et humaniser ce personnage complexe. Le film repose entièrement sur elle, sur ses silences, sur ses regards. Et c’est cette intensité, à la fois froide et profondément humaine, qui fait de Un fantôme dans la bataille un film marquant.

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