A l’occasion de la sortie dans les salles françaises de Carmina, Paco Leon, le réalisateur revient sur quelques points qui caractérises ses oeuvres si populaire. Paco Leon est-il le nouveau Pedro Almodovar?
Paco León, Carmina !, vous inscrivez- vous dans la veine des comédies noires italiennes des années 70-80, de Dino Risi, Ettore Scola… voire d’autres réalisateurs plus contemporains qui vous auraient influencés ?
Tous les films que j’ai vus et que j’admire du cinéma italien auquel vous faites allusion, et bien d’autres, m’influencent certainement lors du tournage de mes films. Néanmoins ce n’est jamais prémédité. Mes références je les puise dans la réalité, ce que je vois autour de moi m’inspire constamment.
Ce film politiquement incorrect est-il une satire et une caricature de la corruption, de l’immoralité d’une société disloquée, ou bien un simple témoignage réaliste de cette société ?
Je ne cherche pas à faire de cinéma social, cependant, ces questions ressortent toujours lorsque l’on dresse un portrait. Pour moi Carmina ! est un portrait, une photo instantanée, d’un personnage inspiré et interprété par ma mère. Et dans ce «Polaroid» se glisse le contexte social, la crise en Espagne, l’immigration, la monarchie… mais par dessus tout c’est l’image humaine d’une femme, Carmina, une sorte d’héroïne contemporaine.
Votre mère et votre sœur sont actrices, d’ailleurs elle jouent dans le film, êtes-vous issu du sérail ? Non, pas tout à fait. Quand j’ai commencé à jouer dans des films j’étais le précurseur. Ce n’est que plus tard, étant déjà connu comme acteur, que ma sœur a voulu tenter sa chance dans ce milieu. Elle s’est très rapidement imposée avec le film La Voix Dormante, et a reçu pour son interprétation le prix Concha de Plata à San Sebastián, le Goya… pour ne citer que ceux-là. Puis nous avons «découvert» le talent de ma mère dans le premier film de Carmina !. Elle n’avait jamais tourné auparavant, et c’est à 58 ans qu’elle a trouvé sa vocation ! À présent, elle est une star en Espagne.
Carmina, interprétée par votre propre mère, est une matrone rusée, cynique, affectueuse, drôle mais en plus manipulatrice, ayant un droit de vie et de mort pour protéger sa famille… Que symbolise-t-elle, pour vous, la mère «qui porte la culotte» même dans les pays machistes en apparence ?
« Parle de ton peuple et tu raconteras le Monde » disait le sage. J’ajouterai : « Parle de ta mère et tu raconteras toutes les mères du Monde ». Je crois que chaque mère peut être le sujet d’un film. Oui, pour moi, Carmina est une gardienne redoutable et féroce, capable de tout pour défendre les siens. Il existe des Carmina partout, des Carmina en Colombie, en Italie, en Russie… Pour avoir projeté le film en Amérique latine, en Australie, au Canada et au Royaume-Uni, je peux vous dire que le personnage est vraiment compris par tous. L’humour de base fonctionne de la même manière et paraît simplement plus exotique selon les endroits. Plus le portrait est précis, plus sa portée est universelle.
Avez-vous puisé votre inspiration dans la littérature et le théâtre espagnols ?
Ma principale source d′inspiration, comme je le disais, est la réalité même. Or en ce qui concerne le mari de mon film, oui, j′ai pensé au roman Cinq Heures Avec Mario de l’écrivain espagnol Miguel Delibes, et malgré l’apparition de fantômes qui me semblaient trop extravagantes, je me suis dit : si Bergman, Shakespeare et Woody Allen l’ont fait, pourquoi pas moi ? (rires) Par ailleurs, imaginer la mort d’un parent par le biais sa propre famille est un point de départ très fort du film, c’est le genre d’événement que l’on sera obligé de vivre. Au fond, j’avais sans doute besoin de le mettre en scène pour mieux y être préparé. De toute façon, c’est un peu comme un cadeau que je me fais : quand mon père et ma mère ne seront plus de ce monde, j’aurai toujours ce film. Au cours de votre film, les personnages les plus disparates et insolites se succèdent à une vitesse vertigineuse…
Avez-vous voulu parodier les faits divers des chaînes d’info et des JT ?
La parodie est un genre que je connais bien en tant qu’acteur, mais je ne pense pas que ce soit le cas dans ce film. Tous les protagonistes et ce qu’ils racontent sont une reproduction très fidèle de personnes qui existent. Aussi bien la prétendue amie de la reine Sofia, que les anecdotes sur le téléphone rose, tout est strictement véridique ! Parfois la réalité est très surréaliste. À 41 ans, vous êtes acteur, scénariste, producteur, réalisateur, on vous compare déjà à Pedro Almodovar en Espagne ? Qu’en pensez-vous ? Est-ce évident d’être si polyvalent ? La comparaison me flatte, car je l’admire profondément. Soit dit au passage, il a beaucoup aimé Carmina, et cela est un immense honneur. Quant à la polyvalence, elle est primordiale pour moi car je me lasse vite de moi-même, et j’adore aborder constamment de nouvelles choses, et ne pas me reposer sur ce qui a bien marché . Vous venez de terminer votre film Kiki, El Amor se Hace. Quelle énergie et imagination prolifique ! Quel est le sujet de votre nouveau film ? Kiki est mon troisième long métrage, une comédie érotique festive. C’est l’histoire de curieuses et atypiques pratiques sexuelles… Étant donné le nombre de ventes déjà effectuées à l’étranger, ce sera le plus international de mes films
Source : bodegafilms.